Le présent article s’inscrit dans le cadre du projet “Abécédaire”. Il s’attache uniquement à mettre en évidence les points d’attention d’un receveur concerné par un dossier de règlement collectif de dettes.

Base légale : Code judiciaire, articles 1675/1 à 1675/19

Pour un aperçu complet de la procédure, consulter, dans le Centre de documentation, Philippe Lecocq, Le règlement collectif de dettes. Voir également le texte de la présentation effectuée par  le même Philippe Lecocq lors du congrès 2008 de la FWRL : Médiation de dettes – quelles difficultés pour le receveur ?

Pour d’autres informations relatives à la problématique, consulter le site de l’Observatoire du crédit et de l’endettement.

Les questions suivantes seront abordées :

  • Être informé de l’admission en règlement collectif de dettes ?
  • A quoi faut-il veiller lorsque l’administration est débitrice d’une personne admise au règlement collectif de dettes ?
  • A quoi faut-il veiller lorsque l’administration est créancière d’une personne admise au règlement collectif de dettes ?
  • A quoi faut-il veiller lorsque le CPAS est désigné en qualité de médiateur ?

1. Être informé de l’admission en règlement collectif de dettes

    Il importe évidemment, afin que le receveur puisse jouer son rôle en la matière, qu’il soit tenu informé de l’admission en règlement collectif de dettes de la personne (susceptible d’être) débitrice ou créancière de l’administration.

    La décision d’admissibilité n’est notifiée qu’aux créanciers et débiteurs du requérant en règlement collectif déclarés par ce requérant. Le rôle – et la responsabilité – du receveur sera donc de veiller à la mise en place des procédures internes qui assureront que lui parvienne soit la notification de l’admissibilité, soit l’information de l’admission, lui permettant alors de demander la notification à l’administration de cette décision.

    L’existence et la tenue à jour, au sein de l’administration, d’un tableau des tiers admis au règlement collectif – tableau auquel pourront se référer les agents en charge de la préparation des paiements et du recouvrement – est  vivement recommandée.

2. L’administration est débitrice de la personne admise au règlement collectif de dettes

a. obligation de payer en mains du médiateur 

    De nombreuses hypothèses sont envisageables : la personne admise en règlement collectif est membre du personnel de l’administration, bénéficiaire d’une aide ou d’un revenu d’intégration liquidé par le Centre public d’action sociale, tiers auquel un paiement indû doit être remboursé, redevable bénéficiaire d’un dégrèvement, etc.

    Aux termes de l’article 1675/9, § 1er, 4° du Code judiciaire, dès que l’ordonnance leur a été notifiée, les débiteurs de la personne admise en règlement collectif ne peuvent se libérer valablement de leur dette qu’en mains du médiateur désigné par cette ordonnance. Il appartient évidemment au receveur de s’assurer que toute somme destinée à cette personne sera effectivement liquidée au profit du médiateur.

    Il se produit que certains médiateurs considèrent que les sommes destinées à assurer les charges courantes de la personne admise au règlement collectif peuvent lui être directement liquidées. La plus grande prudence s’impose : l’accord du juge en charge de la procédure permettra au receveur de se garantir de l’invocation de l’adage “Qui paie mal paie deux fois”. A s’en tenir au texte de l’article 1675/9, § 4 du Code judiciaire, il n’appartient qu’au médiateur de mettre à la disposition de la personne admise au règlement collectif le pécule destiné à lui permettre de mener une vie conforme à la dignité humaine.

    Dans le même ordre d’idée, la dette d’aide sociale ou de revenu d’intégration amène à des considérations particulières :

    • Sauf le cas où l’urgence le requiert, la personne admise au règlement collectif de dettes qui dispose, sans qu’il soit tenu compte de sa situation d’endettement, de ressources suffisantes pour mener une vie conforme à la dignité humaine, n’a pas droit à l’aide sociale : il lui appartient de demander la majoration du pécule mis à sa disposition,
    • Lorsqu’une aide urgente est accordée, parce que le délai dans lequel les sommes nécessaires pour permettre à la personne admise en règlement collectif  de mener une vie conforme à la dignité humaine pourraient être mises à sa disposition par son médiateur serait incompatible avec cette même notion, cette aide ne saurait être liquidée en mains du médiateur. Un accord préalable de ce dernier, ou la ratification par celui-ci du paiement effectué sera utilement recherché.
    • Dans le cas où le Centre estime devoir intervenir en accordant une aide destinée à couvrir une partie des “charges courantes” (ce qui suppose, comme indiqué, qu’aucune somme ne soit réservée pour les créanciers), il y aura lieu de s’assurer, préalablement à l’exécution de la décision, de l’accord formel du médiateur, dans la mesure où il appartiendra in fine à ce dernier de désintéresser le créancier des charges justifiant la décision d’intervention.

b. Suspension des effets des saisies et cessions

    Conformément à l’article 1675/7, §§ 1er et 2 du Code judiciaire, la décision d’admissibilité a notamment pour effet de suspendre les effets des cessions de créance et des procédures d’exécution qui tendent au paiement de sommes d’argent. Il résulte de ces règles que le receveur, dès qu’il est informé de l’admission d’un créancier de l’administration au règlement collectif de dettes, doit veiller à la suspension de toutes retenues effectuées sur les sommes dues à ce créancier. Il me paraît que cette règle doit en effet trouver à s’appliquer non seulement aux retenues effectuées obligatoirement en raison d’une cession de la créance ou d’une saisie-arrêt, mais également (à peine de privilégier un créancier concerné par le concours) aux retenues “volontaires” effectuées à la demande du créancier, qu’il s’agisse de prélèvements effectués en faveur d’un tiers ou de l’administration elle-même, par exemple en vue du remboursement d’un indu ou d’une avance sur rémunération (on songe également dans ce cadre aux demandes visant à la majoration des retenues obligatoires de précompte professionnel).

3. L’administration est créancière de la personne admise au règlement collectif de dettes

a. Déclaration de créance

    Il appartient certainement au receveur d’introduire la déclaration de créance. Aux termes de l’article 1675/9, §§ 2 et 3, celle-ci doit être faite dans le mois de la notification à l’administration de la décision d’admissibilité, par courrier recommandé avec accusé de réception adressé au médiateur (éventuellement par une déclaration dans les bureaux du médiateur, avec accusé de réception daté et signé par le médiateur ou son mandataire). Si la déclaration n’est pas effective dans ce délai, le médiateur, par courrier recommandé avec accusé de réception adressé à l’administration, accorde un dernier délai de 15 jours. Au delà, l’administration est sensée renoncer à sa créance – elle ne recouvrerait le droit d’agir à l’encontre de son débiteur qu’en cas de rejet ou révocation du plan – et la responsabilité du receveur devrait certainement être recherchée.

    Dans l’hypothèse où la créance de l’administration n’a pas été mentionnées parmi les dettes justifiant la demande d’admissibilité, le receveur, informé de l’admission d’un débiteur en règlement collectif de dettes, veillera, comme déjà indiqué, à demander – par courrier adressé au médiateur et au greffe de la juridiction en charge du dossier – la notification à l’administration de l’ordonnance d’admissibilité.

b. Acceptation du plan amiable

    Il n’appartient par contre généralement pas au receveur d’accepter ou de refuser le plan amiable proposé, dans la mesure où ce plan implique le plus souvent pour l’administration renonciation à tout ou partie de sa créance, en accessoires, voire en principal. Le receveur devra obtenir la décision de l’organe compétent selon la nature de la dette, notamment :

    • du Collège communal, dans le cadre du recouvrement de taxes et redevances,
    • du Collège communal, du Bureau permanent ou du Conseil de l’Action sociale, dans le cas d’une dette de loyers,
    • du Comité spécial du Service social, du Bureau permanent voire du Conseil de l’Action sociale, dans le cadre du recouvrement de l’aide sociale et du revenu d’intégration.

    On considère que le receveur ne pourrait d’initiative accepter le plan amiable que dans l’hypothèse où celui-ci n’impliquerait qu’un (ré)échelonnement de la dette.

    Le receveur veillera en tout cas à obtenir rapidement une décision (motivée) au sujet de l’acceptation du plan, eu égard aux effets qui s’attachent au silence de l’administration : conformément à l’article 1675/10, § 4, à défaut de contredit (par courrier recommandé avec accusé de réception adressé au médiateur ou par déclaration devant le médiateur) formé dans les deux mois de l’envoi du plan, l’administration sera présumée avoir marqué son accord sur le projet de plan amiable.

c. Conséquences de l’aboutissement du plan amiable ou judiciaire

    La conséquence de l’aboutissement du plan amiable ou judiciaire sera l’obligation d’admettre en irrécouvrable le montant non recouvré de la créance, en principal et accessoires. A tout le moins, le receveur adressera une information à ce sujet à l’organe compétent en raison de la nature de la dette.

    En principe, compte tenu des possibilités de rejet ou révocation du plan, l’admission en cotes irrécouvrables n’interviendra qu’à l’issue du plan (dans les cas d’application de l’article 1675/13bis du Code judiciaire – remise totale de la dette – cette écriture n’interviendra qu’au terme d’un délai de 5 ans après la décision). On peut aussi considérer, dans le cas d’un plan impliquant une remise (totale ou partielle) de la dette en principal, que l’admission en côtes irrécouvrables ne doit intervenir qu’à l’issue d’un délai de 5 ans après la fin du plan amiable ou judiciaire, compte tenu de la disposition de l’article 1675/15, § 2 du Code judiciaire, qui admet durant ce délai, l’introduction par un créancier d’une demande de révocation, dans le cas où son débiteur a agit en fraude de ses droits.

    La partie de la créance à laquelle l’administration devra renoncer sera néanmoins utilement transférée parmi les créances douteuses et provisionnée dès que son montant sera connu, c’est à dire, soit dès que le plan aura été accepté par toutes les parties (plan amiable) ou imposé par le juge (plan judiciaire), soit dès que sera intervenue la décision accordant la remise totale des dettes.

d. Demande de révocation

    L’article 1675/15, § 1er énonce les cas dans lesquels l’administration créancière pourra introduire (par simple courrier adressé au greffe) une demande de révocation de la décision d’admissibilité ou du plan de règlement. L’hypothèse la plus fréquente sera certainement celle de l’aggravation du passif par la création de dettes nouvelles.

    La procédure sera poursuivie par les soins du receveur conformément à la décision du Collège communal (après autorisation du Conseil communal, CDLD, articles L1123-23, 7° et L1242-1) ou du Conseil de l’Action sociale (loi organique des CPAS, article 115), laquelle interviendra normalement sur rapport effectué par le receveur. Dans l’appréciation de l’opportunité de l’introduction d’une demande de révocation, il conviendra de mettre en balance les possibilités de recouvrement effectif dans et hors le cadre du règlement collectif.

    En cas de révocation, la situation de concours prend fin, et l’administration – le receveur – recouvre son droit de poursuivre le paiement de la partie non encore acquittée de sa créance.

    Rappelons ici (bien que cet élément relève de la question évoquée sous le point 2.b.), que la décision de révocation emporte la reprise des retenues effectuées obligatoirement sur la dette de l’administration à l’égard de la personne qui avait été admise en règlement collectif – cessions de créance et saisies-arrêt.

e. Dettes postérieures à l’admission

    Il importe de dire un mot des dettes nées postérieurement à l’admission en règlement collectif (situation à ne pas confondre avec celle des dettes nées antérieurement à l’admission, mais non déclarées par le requérant, et qui devront normalement, quelque soit le stade de la procédure, être intégrées dans le plan de règlement). Ces dettes, même exceptionnelles, relèvent des charges courantes, si elles ne constituent pas une aggravation volontaire de l’endettement justifiant que soit appréciée l’opportunité d’une demande de révocation.

    Pour le recouvrement de ces créances de l’administration – taxes enrôlées, loyers échus, aides remboursables accordées après l’ordonnance d’admissibilité, etc. – le receveur tentera utilement de prendre accord avec le médiateur, ou, dans le cas ou le plan s’accompagne de l’imposition d’une guidance budgétaire, avec le service en charge de cette gestion, de telle manière que la dette soit honorée, s’il est possible, directement par le médiateur ou ce service, ce qui ne manquera pas d’accroître les probabilités de l’effectivité du recouvrement.

4. Rôle du receveur du CPAS lorsque le Centre est désigné en qualité de médiateur

    Nonobstant le fait que cela ne relève pas de ses missions légales, il est des Centres publics d’Action sociale dans lesquels la gestion des comptes de tiers ouverts dans le cadre des dossiers pour lesquels le Centre s’est vu désigné en qualité de médiateur sera confiée au receveur.

    Dans ce cadre, celui-ci sera attentif :

    • au respect du principe selon lequel les comptes de tiers ne peuvent en aucun cas enregistrer des dépenses supérieures aux recettes effectuées,
    • à l’exactitude des paiements en faveur de la personne admise en règlement collectif, et notamment la mise à disposition des sommes constitutives du pécule destiné à assurer les charges courantes (dont le montant correspond d’abord à ce qui a été fixé par le travailleur social en charge du dossier, et ensuite à ce qui a été fixé au plan de règlement), dans les délais convenus entre cette personne et le travailleur social en charge de son dossier,
    • à l’exactitude des paiements effectués en faveur des créanciers, et notamment au respect de ce qui aura été prévu au plan de règlement, tant du point de vue des montants que des époques de liquidation,
    • à l’exactitude des compabilisations des recettes et dépenses effectuées dans le cadre de ces dossiers (en classe 4, compte général 48100 – Recettes et dépenses pour comptes de tiers), et à la mise à disposition du travailleur social en charge du dossier, sans délai, des informations relatives aux opérations effectuées (afin de permettre à ce dernier de réagir immédiatement dans des hypothèses telles que celles de non perception des ressources).

Philippe Brandenbourger,
Receveur CPAS Namur
Rédaction achevée le 22/11/2009